La semaine dernière, je me retrouve avec un peu de temps libre devant moi et j’en profite pour parcourir le support de cours fraîchement produit pour une formation « sur mesure » que je dois prochainement dispenser. Et puis, je tombe sur ces slides qui présentent le modèle OSI, un modèle de référence dans le monde du réseau. Par contre, c’est un modèle qui date: la première édition de la norme a été publiée en 1984 après de longs travaux (initiés à la fin des années 70). Il est pourtant toujours au programme de nombreux cours et formations officielles. Je me pose aujourd’hui la question: est-ce que ce modèle doit rester la référence lorsque l’on forme des stagiaires aux technologies réseau ?
D’autant plus que le modèle OSI est souvent présenté avant d’introduire rapidement le modèle TCP/IP. Un modèle beaucoup plus pragmatique puisqu’il est parfaitement adapté aux objectifs visés: présenter le fonctionnement des réseaux IP. D’ailleurs, au fil du temps, j’ai adapté ma présentation du modèle OSI en assurant un parallèle permanent avec des exemples du monde IP. Cette approche inconsciente est-elle révélatrice ?
Je pense que l’on ne peut pas se défaire d’une présentation d’un modèle en couches. Mais le modèle TCP/IP peut-il suffire? Au début, je ne le pense pas: le modèle TCP/IP n’est pas défini de façon aussi formelle et rigoureuse que le modèle OSI. Enfin, c’est ce que je pensais… avant qu’un stagiaire ne me pose une question sur ce point. J’adore les formations pour ça: les stagiaires nous imposent souvent de regarder les choses sous des angles différents. On est donc obligé de se remettre perpétuellement en question.
Du coup, je me sens obligé d’aborder les choses comme le ferait un historien. Le modèle TCP/IP définissant les 4 couches couramment admises est décrit dans le RFC 1122, publié en 1989. Cette définition est donc postérieure au modèle OSI: est-ce que ce modèle a voulu reprendre les concepts du modèle OSI en le simplifiant ? Non: le modèle TCP/IP (RFC1122) est vraisemblablement une évolution du modèle de référence de l’ARPANET (l’ancêtre de l’Internet) qui est un modèle à 3 couches dont la publication date de 1982 (RFC 871). Ces 3 couches sont: « Network Interface », « Host-Host » et « Process Level/Application ». Si 3 couches suffisent à définir ce modèle comme non-monolithique, on pourra reconnaître que cela reste un stade limité dans le découpage modulaire des problématiques de la communication entre machines.
Finalement, à la lecture de différents RFC, c’est l’existence même d’un modèle TCP/IP au sens strict que l’on peut remettre en cause. C’est pourtant pratique de comparer le modèle OSI et le modèle TCP/IP et de montrer la simplicité et le pragmatisme de l’approche de l’IETF. Cependant, je pense qu’il n’y a aucune contrainte dans le modèle IP, que la flexibilité est maximale et que tout dépend de ce que l’on veut faire et des possibilités offertes par de nouvelles technologies existantes ou à venir.
D’ailleurs, le RFC 3439 (publié en 2002) apporte une nouvelle approche puisqu’il prétend que le modèle en couches verticales serait « dangereux » (harmful) et limitant. Ce document défend une approche plus horizontale où les services de chaque couche ne dépendent plus les uns des autres mais peuvent être effectués en parallèles. Cela faisait quelques années que le modèle OSI devenait obsolète au regard de certaines nouvelles technologies: il est donc désormais inadapté (au moins, incomplet par sa rigidité). Néanmoins, il reste un outil pédagogique indispensable pour encore quelque temps !
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